Les unes en rose, les autres en bleu...Il fut un temps où petites filles et petits garçons étaient élevés selon des codes bien distincts. Des premières, on attendait douceur et dévouement, des seconds force et courage. Aujourd'hui, par réaction, nous aurions plutôt tendance à les vouloir semblables. Non, nous ne nous comportons pas de manière identique avec nos filles et avec nos garçons. Dès le plus jeune âge, nous nouons des liens différents avec les uns et avec les autres. Et nous n'attendons pas d'eux exactement les mêmes choses. Parfois volontaires, souvent inconscientes, ces nuances s'expliquent par différents facteurs qui se conjugent pour faire de la rencontre avec chacun de nos enfants une histoire toujours unique. En premier lieu, il y a évidement une différence corporelle que nous ne pouvons nier. Pour les soins, une maman aura plus de facilité à toucher et à manipuler le corps d'une petite fille que celui d'un petit garçon. D'abord parce que son sexe est à l'intérieur, pas à l'extérieur. Ensuite, parce que la maman peut s'appuyer sur son propre vécu. Mais aussi parce qu'il n'existe pas de danger d'inceste. C'est plus compliqué d'avoir une promiscuité physique avec un petit garçon. Il y a comme une limite à ne pas dépasser. Les relations nouées avec nos enfants se colorent forcément un peu de cette proximité ou de cette distance physique. Cette petite fille qui tend à sa mère un miroir dans lequel elle peut se voir va souvent susciter davantages de complicité que le petit garçon, corps étrange et étranger. C'est sans doute la raison pour laquelle, plus tard, filles et mères se parlent davantage. Elles sont proches du fait que leur sexe est caché. En revanche, entre une mère et son fil, les liens se fondent davantage sur la séduction.
Des sentiments ambivalents
Ces différences qui s'ébauchent dès les premiers mois vont s'affirmer au fur à mesure que l'enfants grandit, et devenir très sensibles à partir e 3 ans, dans cette fameuse "phase de l'Oedipe" où le tout-petit tente de séduire le parent de sexe opposé. Mais dans un cas comme dans l'autre, les relations se teintent souvent d'ambivalence. Lorsqu'on est la maman d'une petite fille, on découvre que la complicité se double d'un sentiment de rivalité plus ou moins aigu. Les rapports mère/fils ne sont pas toujours plus faciles, contrairement aux idées reçues. Parce que justement, face à cet amour dévorant du petit garçon, on doit se défendre d'une trop grande proximité physique tout en restant maternelle. L'agressivité envers leur mère est très fréquente chez les petits garçons. C'est le signe qu'ils luttent contre leur attirance pour elle. Face à ces mouvements contradictoires, il est logique que nous n'interprétions pas notre rôle de maman sur le même registre. Mais si nous ajustons notre comportement en fonction du sexe de nos enfants, ce n'est pas seulement parce qu'ils sont différents par nature, c'est aussi parce que nous les regardons comme tels. Sans trop nous en rendre compte, les stéréotypes nous influencent bien plus que nous ne le pensons et ne le voulons. Chaque maman porte, inscrite en elle, des idées toutes faites sur ce doivent être le féminin et le masculin. Un héritage que les progrès de l'égalité entre hommes et femmes n'ont pas totalement effacé. L'inconscient collectif a toujours plusieurs générations de retard. Cela dit, il serait réducteur de penser que nous agissons toutes avec nos filles ou nos garçons selon les mêmes lois intangibles. Car s'y ajoute, comme une pointe de fantaisie, l'histoire personnelle de chacune, de la petite fille qu'on était ou qu'on aurait aimé être. De la maman qu'on a eue et de ce qu'elle nous a transmis. De ce frère qu'on pensait mieux aimé ou d'un père trop peu aimant. Tout cela nous accompagne à l'heure où l'on devient soi-même une maman et imprime en nous des préfèrences ou des angoisses inhérentes à un sexe plutôt qu'à un autre. Dans le lien qui se noue avec notre fille ou notre garçon, bien des choses nous échappent, donc... Ce qui ne signifie pas, pour autant, que les mères soient condannées à reproduire éternellement les mêmes comportement. Il y a des différences dans la façon dont une mère accueille une fille ou un garçon, dans la transmission inconsciente de l'histoire familiale. Mais n'oublions pas, quand même, tout ce qui se passe de manière volontaire sur le plan éducatif. Si par exemple, les petites filles peuvent aujourd'hui envisager de faire à peu près tous les métiers, c'est bien parce que leurs mères les ont encouragées.